Billets
Supprimer le financement des cultes ? Une solution bien dangereuse…
par Stéphanie Wattier
En cette période de négociations en vue de la composition des nouveaux gouvernements fédéral et fédérés, ressurgit par soubresauts une question qui était déjà dans le programme de plusieurs partis politiques lors des élections de mai dernier, à savoir celle de la suppression du financement public des cultes.
La Belgique présente la particularité de consacrer dans sa Constitution, depuis 1831, le financement des traitements des pensions des ministres des cultes et, depuis 1993, celui des délégués des organisations philosophiques non confessionnelles.
Cette spécificité – entérinée dans la Constitution pour des raisons historiques (ce financement existant déjà lorsque la Belgique était sous domination française puis hollandaise) mais également pour des raisons dites d’ « utilité sociale » de par le soutien spirituel que les religions fournissent à leurs fidèles – est désormais régulièrement remise en cause au regard de la société actuelle, de plus en plus sécularisée et multiconfessionnelle.
Il est vrai que la façon dont est organisé le financement des cultes en droit belge pose une série de difficultés sur le plan de son organisation, de sa mise en œuvre et de son adéquation avec le paysage religieux belge actuel. Il ne faut néanmoins pas se méprendre sur la distinction qui existe entre la probable nécessité de réformer le financement des cultes – et pourquoi pas de l’améliorer afin qu’il coïncide davantage aux réalités actuelles – avec la dangereuse proposition que constitue celle de la suppression pure et simple de ce financement.
Cette suppression serait dangereuse pour une raison fondamentale : supprimer le financement public des cultes reviendrait à le reléguer purement et simplement dans la sphère privée.
Le financement public des cultes assure à chacun l’accès à la pratique religieuse. Si le financement des religions passait à l’avenir dans la seule sphère privée, professer un culte dépendrait exclusivement de la mise en place de flux de donations privées – ce qui favoriserait nécessairement les religions riches, entre autres grâce à leurs contacts permettant un financement depuis l’étranger – ou par encourager la création de fonds obscurs de financement.
Autrement dit, le financement public des cultes permet non seulement un accès à chacun à la spiritualité mais également un contrôle sur l’utilisation de ces fonds publics. Contrôle qui disparaitrait nécessairement si le financement public des cultes devait disparaître.
Gageons que les décideurs politiques parviendront à se poser les bonnes questions lorsqu’ils mettront cette thématique sur la table…
Le service Uber est-il légal en Belgique ?
Louis De Borggraef, Marie Fagny et Clément Léonard
Avec la collaboration d’Elise Defreyne
Où en est le plan Taxi, qui devait entrer en vigueur courant 2019 ? L’ordonnance tant attendue, qui devait régler la question du transport rémunéré à Bruxelles, n’a pas dépassé le stade des consultations. Et, avec le changement de Gouvernement, celles-ci devront peut-être reprendre à zéro.
Cela fait pourtant plusieurs années que des mesures claires sont attendues sur le sujet. En effet, l’arrivée d’Uber dans la région bruxelloise a bouleversé le microcosme des transports. Si les taxis, pour pouvoir conduire des clients, doivent respecter une série de règles prévues par la législation, la situation des chauffeurs Uber est beaucoup moins claire. Afin d’apaiser la situation, le Gouvernement bruxellois avait lancé en 2018 un projet d’ordonnance imposant les mêmes règles et conditions à tous les services de services de « transport rémunéré de personnes ». Ce texte prévoit entre autres que les plates-formes de réservation ne peuvent travailler qu’avec des chauffeurs titulaires d’une licence.
Le compromis recherché par ce texte semble toutefois au point mort. Pourquoi ? Afin de comprendre les enjeux de ce Plan Taxi, voici un éclairage des questions soulevées par l’essor d’Uber sur le territoire bruxellois, au départ de la jurisprudence en la matière.
Le développement durable : une question constitutionnelle ?
« Une loi-Climat "clé sur porte" », une loi spéciale « prête à l’emploi ». En février, un groupe d’académiques des universités du Nord et du Sud du pays présentait leur texte sur les objectifs et institutions belges du développement durable. L’idée majeure portait sur le fait que cette proposition pouvait se transformer en loi spéciale assez facilement. Ce plan a été suivi par les verts et le PTB, mais le Conseil d’Etat a engendré plusieurs problèmes en signalent que la Constitution, dans son état actuel, n’offre pas de base pour une loi spéciale telle qu’elle était prévue.
En tant qu’étudiants au cours de questions spéciales de droit public et administratif, un cours à option donné en faculté de droit à l’université de Namur, nous nous sommes penchés sur la question du développement durable et de l’écologie en relation avec la Constitution. Comment est-ce qu’une politique plus efficace peut être créée ?
L’article 7bis de la Constitution
Cette loi climat a été conçue par des experts universitaires. Elle assigne plusieurs objectifs à la Belgique, dont la réduction des émissions de gaz à effet de serre ainsi que l’augmentation de la part des énergies renouvelables. De plus, cette loi élabore une structure institutionnelle pour coordonner la politique climatique belge avec une agence inter-fédérale, une agence interparlementaire, une conférence inter-ministérielle climat ainsi qu’un comité permanent et indépendant d’experts pour le climat.
Tout d’abord, le texte de la Constitution mentionne assez peu le développement durable mais y fait tout de même référence dans son article 7bis. Celui-ci a été inséré dans la Constitution en 2007 et montre l’intention de la Belgique d’œuvrer pour cette cause. Le développement durable fait ainsi son entrée dans les objectifs de la Constitution.
« 7bis. Dans l’exercice de leurs compétences respectives, l’Etat fédéral, les communautés et les régions poursuivent les objectifs d’un développement durable, dans ses dimensions sociale, économique et environnementale, en tenant compte de la solidarité entre les générations. »
Récemment, nous avons pu constater que de nombreuses discussions ont eu lieu concernant cet article. Pour remédier aux critiques du Conseil d’État qu’une loi spéciale contenant des objectifs mandataires pour les régions et le niveau fédéral toucherait aux répartitions des compétences et – ainsi – nécessiterait un mandat constitutionnel, l’idée a été lancée d’insérer un tel mandat dans l’article 7bis de la Constitution. Cette modification était tout à fait possible parce que l’article 7bis figurait sur la liste des articles ouvertes à une révision pendant la législature 2014-2019. Néanmoins, la majorité nécessaire de deux-tiers n’a pas été atteinte en séance plénière de la chambre, et la révision de l’article 7bis a été rejetée, créant un énorme vent d’insatisfaction du côté des partisans et manifestants pour le climat. En effet, le texte n’a pas eu la légitimité démocratique nécessaire. La révision de l’article 7bis était pourtant une nécessité pour la création de la loi spéciale pour le climat.
Il est certain que la modification de l’article 7bis aurait pu être une grande avancée en matière de développement durable étant donné que le droit qui découle de la constitution fixe la marche que doivent suivre tous les organes et institutions belges.
Bien que cela sonne comme une défaite de l’écologie, la consécration directe dans la Constitution ou dans une loi spéciale d’avantages et d’objectifs de « développement durable » n’est pas primordiale et n’est certainement pas le seule remède aux problèmes écologiques. Notons que l’article 7bis de la Constitution figure de nouveau sur la liste des articles à réviser sous la prochaine législature. Cela vaut donc la peine d’explorer des autres pistes, à côté de la création de la création d’une loi spéciale.
Alternatives ?
Lors de notre cours nous avons dès lors dégagé d’autres pistes de solutions pour adopter une politique climatique coordonnée, notamment un accord de coopération entre les différentes régions du pays qui pourrait régler certains aspects. Au niveau de son adoption, un accord de ce type peut être adopté plus aisément qu’un changement de Constitution mais cela risque d’entrainer de longues années de négociations avant que les entités s’entendent.
Une autre piste à considérer est la création d’un mandat constitutionnel pour une simple loi fédérale contentant les objectifs de la politique climatique du pays. Non seulement l’introduction d’un nouveau article dans de la Constitution demande une procédure très lourde et une majorité élevée au sein du Parlement, cela vaut également pour une loi spéciale ou pour sa modification. En insérant des objectifs concrets dans la Constitution ou dans une loi spéciale, il serait assez compliqué de les rectifier par après. En revanche, une simple loi est soumise à une procédure moins lourde et pourrait être plus efficace pour répondre aux évolutions scientifiques ou politiques internationales.
La loi spéciale climat envisageait la création des structures de coopération et de concertation entre les différents gouvernements et parlements responsables de la politique climatique. Finalement, dans l’attente d’une loi spéciale ou d’un accord de coopération plus avancé, la piste restante est une utilisation plus optimale des structures de concertations qui existent déjà à l’heure actuelle, à savoir le Comité de concertation et le Sénat.
Ségolène Gilson, Alicia Doum et Marylou Jaumain, étudiantes au cours de ‘Bijzondere vraagstukken Staats en Bestuursrecht’, à l’Université de Namur) ; Johan Lievens, maître de conférences en droit public à l’UNamur et la VU Amsterdam
L'Association des Juristes Namurois a 25 ans et ... a récemment bien fêté sa jeunesse dynamique !
L’AJN réunit donc les juristes représentant tant le monde judiciaire (magistrats, avocats, huissiers) que celui des notaires, de l’entreprise ainsi que du secteur non marchand, les hautes écoles de Namur et notre Université. Ils ont pour point commun le droit et une belle motivation à partager leurs connaissances, compétences et réseaux afin de diffuser et d’enrichir tant et plus la science juridique tout en accroissant les liens tissés au fil du temps.
A cette fin, l’AJN organise notamment régulièrement des séances d'information ou de recyclage, ainsi que des colloques consacrés à des thèmes d'actualité.
Très concrètement, l’AJN c’est :
- 16 fondateurs en 1992 … et 25 administrateurs à ce jour ;
- près de 150 conférences menées sur divers sujets du droit autour et alentours (celles organisées à destination des avocats, magistrats et notaires sont reconnues dans le cadre de leur formation permanente) ;
- plus de 5 000 participants à des conférences ;et surtout … un magnifique partenariat avec l’Université de Namur dont la Faculté de droit, qui héberge et soutient administrativement ses activités, et qui fêtera ses 50 ans ce 13 octobre 2017!
C’est lors d’une journée d’études consacrée à la liquidation des régimes matrimoniaux que l’AJN a fêté son anniversaire. Les exposés des orateurs de grande qualité, Mesdames DE STEFANI, GROSJEAN et KARADSHEH, Messieurs GENDRIN et THIERY, ont été suivis d’un walking dinner festif, juste après le discours dynamique et interactif de notre Recteur Yves POULLET accompagné d’un pilier de l’asbl, pétillante administratrice depuis des années, Anne GODINAS (UCM Namur).
A comme actif, attractif, attrayant, aventurier, adéquat …
J comme juste, jeune, joyeux …
N comme norme, nécessaire, novateur …
«Réviser toute la Constitution, vraiment?»
par Stéphanie WATTIER
Comme chacun le sait, le 26 mai prochain auront lieu les élections au niveau européen ainsi qu’aux niveaux fédéral et régional en ce qui concerne le citoyen belge.
En Belgique, la législature au niveau fédéral prend ordinairement fin cinq ans après les élections (article 105 du Code électoral). Cette hypothèse de fin ordinaire n’a cependant plus eu lieu depuis 1929 et ce sont les hypothèses de fin anticipées qui sont, depuis lors, privilégiées. Parmi ces hypothèses, celle qui prévaut depuis les années 1980 est celle du dépôt d’une déclaration de révision de la Constitution, laquelle entraîne la dissolution de la Chambre et du Sénat et, dès lors, la tenue d’élections afin de pourvoir à leur renouvellement.
Cette année, cette hypothèse semblait toutefois écartée, à tout le moins jusqu’il y a peu, à en croire les différentes interventions dans la presse de plusieurs parlementaires dont Siegfried Bracke, président de la Chambre.
Charles Michel ayant démissionné fin de l’année 2018, il était attendu que la Chambre vote sa propre dissolution en application de l’article 46, alinéa 3, de la Constitution et les élections auraient lieu, comme prévu, dans un délai de 40 jours que l’on aurait fait coïncider avec le 26 mai.
C’était, semble-t-il, sans compter sur le dernier soubresaut de cette législature, à savoir l’intention de Bart De Wever, président de la N-VA, de déposer une proposition de déclaration de révision de la Constitution dans laquelle serait repris l’ensemble des articles de la Constitution.
Constitutionnellement, le dépôt d’une telle proposition ne soulève pas d’obstacle dans la mesure où le droit belge ne connaît, contrairement à certains de ses voisins européens, pas de limites matérielles à la révision de la Constitution. Autrement dit, tous les articles de la Constitution sont révisables en Belgique.
La N-VA ayant quitté le Gouvernement fédéral, il y a lieu de s’interroger sur la majorité politique qui pourrait bien, au sein de la Chambre des représentants et au sein du Sénat, appuyer une telle proposition car l’on rappellera qu’une proposition de déclaration de révision de la Constitution doit, pour être valablement adoptée, recueillir la majorité absolue des voix dans les deux chambres, cette matière continuant à relever du bicaméralisme intégral.
Politiquement, une telle proposition de déclaration de révision paraît donc plus questionnable, outre le caractère provoquant qu’elle sous-tend et la confusion qu’elle peut créer dans l’esprit du citoyen. En effet, la notion de « déclaration de révision de la Constitution » – qui n’engage aucunement à ce qu’une révision ait ensuite effectivement lieu lors de la législature suivante – semble parfois volontairement confondue avec celle de « révision (effective) de la Constitution » qui nécessitera, quant à elle, une majorité qualifiée de deux tiers à la Chambre et au Sénat pour être adoptée.
Cette confusion paraît d’autant plus regrettable dans un climat où le citoyen semble perdre confiance dans les institutions politiques et dans le modèle démocratique en place, alors que l’énergie préélectorale devrait être prioritairement placée dans de réels enjeux sociétaux à l’instar des questions climatiques, de l’immigration, de l’emploi, etc.
https://plus.lesoir.be/212014/article/2019-03-13/reviser-toute-la-constitution-vraiment